Roman (société, racisme) de Chimamanda Ngozi Adichie. Éditions Gallimard, collection folio, octobre 2019 (Édition d'origine en anglais :2013 ; première traduction française : Éditions Gallimard 2014). Pages : 685 : Prix : 9,50 euros.

Dans ce roman, Chimamanda Ngozi Adichie montre certainement beaucoup d'elle-même, son propre parcours étant très proche de celui de son héroïne, avec des débuts d'études au Nigeria, puis un exil aux USA dans l'espoir d'y continuer ses études, et enfin son retour au pays après de nombreuses années.

Autour des deux personnages principaux, Ifemelu et Obinze, ce sont les sociétés nigérianes, américaines et anglaises qui sont abordées, avec les questions de « race » et de racisme, les illusions des habitants des pays en voie de développement sur les pays riches (et les désillusions qui vont avec) et le (les) conformisme(s) actifs au seins des différents milieux de ces sociétés.

Pour résumer grossièrement, l'histoire commence aux USA, juste avant le retour au pays d'Ifemelu, avec les interrogations qui y sont associées. Ensuite, retour en arrière, c'est la jeunesse nigériane d'Ifemelu qui est racontée. Puis vient l'arrivée aux USA, ainsi que la tentative d'immigration de son ami d'enfance, Obinze, en Grande Bretagne, et pour terminer, le retour au pays.

Femme libre et à forte personnalité, Ifemelu vivra aux USA d'un Blog « Raceteenth, ou observations diverses sur les noirs américains qu'on appelait jadis les nègres, par une noire non américaine ». Notant avec justesse que « La race n'est pas de la biologie ; la race est de la sociologie », elle s'interroge sur le « bon chic-bon genre » en cours chez les blancs et les noirs américains : « Si vous dites que la race n'a jamais été un problème, c'est uniquement parce que vous souhaitez qu'il n'y ait pas de problème. Moi-même je ne me sentais pas noire, je ne suis devenue noire qu'en arrivant en Amérique. ». Et elle touche du doigt le problème qui persiste, même dans une société qui a pourtant élu un président noir (l'élection d'Obama est d'ailleurs abordée dans le roman) « Quand on signale un crime, prie pour que l'auteur ne soit pas noir, et si c'est le cas, tiens-toi à l'écart de la zone du crime pendant des semaines, sinon on pourrait t'arrêter parce-que tu correspond au profil. ». Et les événements récents aux États Unis confirment bien (s'il en était besoin!) que le racisme reste hélas bien présent dans une partie de la population.

A mon avis, le personnage principal de ce roman (Chimamanda Ngosi Adichie ?) est tout de même, comme dans la vie réelle, imparfait, car on retrouve malgré tout quelques a priori courants dans le discours d'Ifemelu : les noirs ne seraient pas racistes, ils pourraient avoir des préjugés... et pour le prouver il suffit de détourner le sens du mot. Le racisme serait dû uniquement à la domination. Or la définition du racisme selon le dictionnaire Larousse, est : « Idéologie fondée sur la croyance qu'il existe une hiérarchie entre les groupes humains, les « races » ; comportement inspiré par cette idéologie. » Une personne dominée peut donc tout à fait être raciste à partir du moment où elle estime, par exemple, que le dominant lui est, en réalité, inférieur de part son origine. Voir aussi, en Afrique, les problèmes entre ethnies, et les tyrans, exactement comme chez les « blancs ». Que dire aussi des « amis blancs qui pigent » ? Sinon que celui qui pige est celui qui adopte mes propres idées ? Et moi, j'ai forcément tout bon...

Alors que d'une manière générale je ne suis pas un fanatique des romans, je dois dire que celui-ci m'a fort intéressé. Et malgré quelques points sur lesquels il reste des choses à dire, la plupart des idées transmises ici méritent d'être mises en avant. Un roman se doit d'être lu, comme pour tout ouvrage, avec l'esprit ouvert et l'esprit critique.