Thème : société.
De Stéphane Paoli. Éditions Les Liens Qui Libèrent, septembre 2020. Pages : 283. Prix : 20 euros.
Le monde qui vient... mais ni prédiction ni annonce (précise l'auteur), juste notre possible futur proche issu de notre imagination, de nos créations, de nos espoirs, mais surtout résultat d'interdépendances, de cohabitations (comme le démontre aujourd'hui l'épigénétique pour le vivant), et confronté à nos crises actuelles (médicales, de société, …), le tout analysé à partir de discutions avec de grands scientifiques, personnalités incontestées dans leur domaine de recherche.
Ainsi, la pluridisciplinarité étant indispensable pour comprendre notre monde, Stéphane Paoli a donc consulté un astrophysicien (Michel Cassé), un ethnologue et anthropologue (Marc Augé), une astronaute (Claudie Haigneré), un spécialiste du Web (Daniel Kaplan), un médecin (Dominique Maraninchi), un généticien (Nicolas Lévy), une sociologue (Marie-Laure Salles-Djelic), un économiste (Thierry de Montbrial), un géologue (Pierre Choukroune), un roboticien et une roboticienne (Pierre-Yves Oudeyer et Laurence Devillers), une philosophe des sciences (Vincianne Despret), et enfin une galeriste spécialiste d'art contemporain (Nathalie Obadia).
Décrypté par le journaliste, le sentiment de chacun mène globalement aux mêmes conclusions : on ne peut pas cloisonner, tout est intimement lié et nous avons besoin de la diversité : « plus la diversité est réduite, plus la fragilité est grande » écrit-il.
En vrac, l'auteur nous montre l'importance de la remise en cause de nos fonctionnements, la nécessité de la prise en compte du contexte, de la complexité et de l'incertitude, de la culture (voir par exemple l'échographie obstétricale interdite en Inde car certaines familles payaient pour connaître le sexe de l'enfant à venir, et obligeaient la femme a avorter si c'était une fille), l'absence de vérité absolue, le danger de la séduction, la société de surveillance, la synchronisation des opinions, le risque du virus plus important que celui du nucléaire (selon Bill Gates en 2015) qui, cette année avec le Covid 19 s'est avéré presque exact, la diffusion tous azimuts d'informations (vraies ou faussent) donnant l'impression à chacun de pouvoir tout savoir (« Aujourd'hui, le doute du médecin se heurte à la quasi-certitude qu'a le malade d'avoir compris, après lecture sur le Web, ce qu'il en est de son affection »), du fait que toute intervention modifie les équilibres, que nous sommes très centrés sur nous même (voir les « égoportaits » ou « selfies") ou, comme l'indique la citation de Thierry Fabre à propos des migrants soulignée par Stéphane Paoli : « Que se serait-il passé, avait-il demandé, si c'était 30 000 Français et Européens qui avaient disparu au fond de la Méditerranée, au lieu d'Africains, d'Afghans et de Syriens ? » Et doit-on être surpris, comme le souligne l'auteur, qu'après 5 grandes extinctions ayant touché un vivant dominant, s'il ne s'adapte pas, ce soit au tour de l'être humain de subir ce sort ?
J'ai adoré l'image probablement tellement vraie de l'Univers donnée par Michel Cassé « l'Univers c'est du champagne […]. Des milliards de milliards de bulles. » ainsi que l'image de notre société et de ses entreprises donnée par Marie-Laure Salles-Djelic, avec sa « manipulation génétique » du langage : « Il est apparu par la généalogie conceptuelle que responsabilité limitée a fini par aboutir à irresponsabilité illimitée ».
L'interrogation : faudra-t-il « débrancher » les algorithmes et l'économie pour sauver la planète ? Est très judicieuse, comme le souligne l'exemple pris par Stéphane Paoli de David Bowman débranchant l'ordinateur HAL 9000 dans le film « 2001 : l'odyssée de l'espace » sur un scénario co-écrit par Stanley Kubrick et Arthur C. Clarke, datant de 1968, mais devenu tellement actuel !
Un ouvrage pour tous, s'appuyant sur de nombreux exemples concrets, mettant en scène un monde en profond changement. Passionnant !