« au temps des médias sociaux, du changement climatique, de la covid-19 et du terrorisme », de Michel Rochon, Éditions MultiMondes, sortie en France : mai 2021 (sortie au Canada : octobre 2020). Pages : 252. Prix : 19 euros.

Dans nos sociétés, amour et haine (plus ou moins intenses) se côtoient depuis toujours. Restes probables d'un passé lointain où la survie n'était pas si facile … (mais l'est-elle plus aujourd'hui pour certains d'entre-nous?).

L'auteur analyse ces deux pulsions au regard des nouvelles connaissances sur le fonctionnement de notre cerveau avec l'arrivée de nouvelles technologies, imagerie cérébrale fonctionnelle par exemple, ou la tomographie à émission de positons, mais pas seulement, il précise « Ce livre puise son matériel dans les neurosciences, la psychanalyse, l'anthropologie, la philosophie et l'histoire. ». Une large place est bien entendu laissée à l'influence des nouvelles technologies et des réseaux sociaux (qui deviennent le principal moyen d'information), avec la facilité de désinformation, de harcèlement et de diffusion de la haine, favorisés par l'anonymat facilitant la lâcheté !

Un peu d'histoire, d'abord, et l'analyse de préjugés dépassés (la « taille » du cerveau, qui serait preuve d'intelligence... mais si le cerveau d’homo-sapiens a une masse d'environ 1,4 kg, celui du cachalot est de 7,8 kg, celui du dauphin 3,6 kg, celui de l'éléphant 4,6 kg, etc.), mais il en préserve malgré tout au moins un ! (page 55 en bas « L'histoire (…) a révélé combien les sentiments amoureux ne sont qu'humains. », alors qu'aujourd'hui justement de plus en plus de scientifiques admettent que les animaux ont des sentiments du même type que ceux des humains.... humains qui, d'ailleurs, font bien partie du monde animal, il n'y a donc rien de surprenant à cela).

Sont étudiées les émotions et les passions, la plasticité du cerveau, les dérives telles le terrorisme, les illusions données par l’accès à de nombreuses sources d'informations à travers Internet (pas forcement fiables) « Nous avons l'illusion d'un savoir plus que ce n'est le cas, car le contenu d'Internet vient combler les manques de notre savoir. ».

Incorporer les problèmes de changement climatique à l'amour ou à la haine (rejet de la nature et négation du changement climatique) peut sembler un peu audacieux, mais cela est probablement tout de même assez judicieux. Michel Rochon précise « Les mondes minéral et végétal sont toujours perçus comme inférieurs aux animaux, et l'humain se comporte comme s'il était propriétaire de l'ensemble du patrimoine terrestre. », mais aussi, et c'est plus important à mon sens « l'argent achète la haine de la nature ». S'y ajoute le traditionnel « loin des yeux, loin du cœur » qui se traduit chez l'auteur par « Les citoyens, habitant de plus en plus loin de la nature, des arbres, des animaux, vivant dans des mondes artificiels entre leurs véhicules utilitaires sport, leurs bureaux et leurs maisons, perdent fondamentalement leur lien et leur attachement à l'écosystème terrestre. »

Les réseaux sociaux amplifient les regroupements de personnes ayant les mêmes croyances ce qui augmente leurs certitudes ainsi que le rejet de ceux qui ne les partagent pas. L'exemple du coronavirus montre comment le discrédit de la science se fait au profit de théories du complot...

Un petit point critique cependant : si dans l'immense majorité des cas l'analyse de l'auteur est pertinente, on sent parfois la culture nord-américaine (d'ailleurs arrivée maintenant également en Europe) pointer son nez à la manière décrite par Chimamanda Ngozi Adichie avec ce qu'il FAUT dire et ce qu'il ne faut pas dire... ainsi, page 114, il semble que revendiquer des droits pour les pères serait être misogyne et antiféministe ! Donc, par exemple, des pères n'auraient pas le droit de demander (comme cela a été le cas en France il y a peu de temps) la garde partagée de leurs enfants en cas de divorce (ce qui se pratique sans soucis en Suède) sans être taxés de misogynie et d'antiféminisme ? L'égalité ne peut, pourtant, se dérouler dans un seul sens....

Au final, quelques pistes sont données, telles que le développement de l'empathie et de l'éducation, et certainement Michel Rochon est-il trop ambitieux et optimiste (il le faut pourtant) en indiquant « Le journalisme rigoureux, à la recherche des faits, demeure l'un des derniers chiens de garde de notre société libre et humaine », alors que le journalisme actuel est, d'une manière assez commune, plutôt porté vers le populisme et la recherche de lecteurs (ou d'auditeurs) à tout prix, sans trop se soucier de déontologie.

Ouvrage intéressant, qui nous montre les cheminements de l'amour et de la haine, et leurs conséquences encore aujourd'hui, et pour demain.