« Émancipation(s) par le neutre », de Lila Braunschweig, Éditions Les Liens Qui Libèrent, collection « Trans », octobre 2021. Pages : 206. Prix : 16 euros.

En introduction, l'auteure fourni une « note » sur l'écriture inclusive. Elle utilise ce style d'écriture dans son livre (style qui n'est pas parfait loin de là, car cela complique l'apprentissage de la langue et n'aide pas les dyslexiques...) et propose des pronoms généraux, eux, forts judicieux : « iels » (ils et elles) et « celleux » (celles et ceux).

Lila Braunschweig pose d'abord la différence entre « neutre » et « neutralité ». La neutralité impose le statu quo », (elle « stérilise les possibilités de transformation et de changements (...) ») alors que le neutre ouvre « l'infinité des possibles ». Elle cite Roland Barthes qui indique que le neutre est « une tentation de lever, déjouer, esquiver le paradigme, ses arrogances, exempter le sens. ».

Notre société est une société binaire : féminin/masculin, valide/invalide, etc. , qui, de fait, cherche la distinction et sert à « opposer, séparer, fixer, déterminer, catégoriser ». Le neutre, lui, permet de lutter contre les paradigmes de tous ordres, en rendant possible les hybridations, en laissant de grands espaces ouverts, même à la plus petite variation.

L'auteure aborde non seulement les problèmes de genre, mais aussi le politique, le féminisme,... Elle considère à juste titre que toute certitude doit être dépassée car nous vivons dans un monde complexe qui multiplie les perspectives. Pour les faire émerger, nous devons lutter contre les normes, les hiérarchies, l'ordre social, l'universalisme républicain, etc. Le politique doit mobiliser le neutre et non la neutralité, ne pas chercher à neutraliser les différences, mais neutriser institutions et groupes majoritaires qui, sinon, tentent d'imposer des cadres.

Parmi de nombreux exemples, Lila Braunschweig pose le problème des toilettes publiques. Où est la place des trans ? Ne faut-il pas des toilettes communes à tous les genres ?

Bien entendu, il est difficile d'être en accord sur tout dans le vaste domaine traité dans ce livre, et particulièrement je n'ai pas été convaincu par sa justification des réunions non-mixtes. Je suis plus sensible à l'argumentation (contraire) de Rachel Khan dans son livre « Racée »... Les réunions non-mixtes ne sont pas une ouverture, mais une fermeture (donc l'inverse de ce que soutien l'auteure tout au long de son ouvrage), et l'expérience montre que le replis sur soi, le fait de n'entendre qu'un seul discours, abouti à une perte d'esprit critique et que cela mène souvent aussi à l'intégrisme.

Cet ouvrage est excellent, pose de vrais problèmes, tente d'apporter des solutions, et le neutre étant destiné à ouvrir « tous les possibles » dit-elle, toutes les analyses ici ne feront pas l'unanimité. A lire, à méditer, et à prendre au final ce qui nous convient pour faire avancer les choses !