« défendre l’égalité des sexes en 1750 », de Frédéric Marty. Éditions Classiques Garnier, collection l’Europe des Lumières, mars 2021. Pages : 341. Prix : 39 euros.
A la fois savante et littéraire, et même si elle n’est pas la première féministe de l’histoire, elle avance des analyses qui restent valables aujourd’hui ! Toujours à la fois « en avance » et « dans » son époque, elle prône une stricte égalité entre les hommes et les femmes. Contrairement à elle, jusqu’au 18ème siècle compris, la majorité des personnes défendant la cause des femmes prône au contraire leur supériorité sur les hommes. Elle a eu quelques années Jean-Jacques Rousseau comme secrétaire (à sa demande il lui cherchait de la documentation historique sur la condition des femmes et sur les systèmes politiques d’autrefois, et il écrivait ensuite sous sa dictée) mais elle s’est finalement opposée à lui à cause de textes anti-féministes. Frédéric Marty indique qu’elle écrit à Rousseau « Il n’y a que vos opinions sur les femmes que je ne vous pardonne pas et sur lesquelles vous m’avez vue en fureur dans vos ouvrages. ».
Elle adhère à la théorie de « l’état de nature » et considère que liberté, égalité et indépendance sont des droits naturels. Et donc la dépendance des femmes aux hommes est une forme d’esclavage. Or elle est largement opposée à l’esclavage, bien que son père y ait participé autrefois. Elle s’oppose à Montesquieu sur l’influence de l’homosexualité, sur la polygamie, sur le rôle du climat sur les sociétés. Concernant la reproduction humaine, contre de nombreux médecins de l’époque, elle considère que l’homme n’y a pas plus de part que la femme. Elle estime que l’éducation joue un rôle cardinal dans les mœurs et les idées, et qu’elle doit être au centre de l’engagement de tous.
Personne complexe et « laïque », elle lutte contre les préjugés, elle traite aussi de politique, mais reste élitiste et fidèle à la monarchie tout en reconnaissant des qualités à la république. Contrairement à l’usage, elle signe les actes officiels « Louise Fontaine Dupin », son nom de famille figurant avant celui de son mari.
Quel dommage qu’une mauvaise relecture ait laissé plein de coquilles qui finissent par être énervantes ! Par exemple page 84 « […] 1776, deux avant la mort de Rousseau » (deux ANS), ou page 301 « Et cela plus de deux cinquante ans après son éclosion » (deux CENT cinquante ans), etc.
Un excellent livre pour qui s’intéresse à l’histoire et au féminisme. Mais il faut bien garder à l’esprit, avant de juger certaines de ses prises de position, que Louise Dupin vivait au 18ème siècle, pas à notre époque !