« Une histoire de l’invisibilité des femmes », de Marylène Patou-Mathis, Allary Éditions, octobre 2020. Pages : 346. Prix : 21,90 euros.

L’auteure nous montre tout au long de cet ouvrage comment notre société a imaginé celles de nos ancêtres à l’image de la nôtre (gréco-romaine et judéo-chrétienne)… Ce n’est finalement que depuis peu de temps que des préhistorien(e)s ont pris du recul par rapport aux idées reçues, aux présupposés et aux clichés, alors que peu d’éléments réels de la préhistoire permettent d’identifier des rôles différents (sociaux ou économiques) pour les hommes et les femmes . Donc l’homme « à la chasse » et « inventeur » pendant que la femme s’affaire aux repas et au ménage de la « grotte » n’a AUCUN fondement scientifique !

La science préhistorique « moderne » est véritablement née au 19ème siècle, et, alors que l’hominisation semble remonter à près de 7,2 millions d’années, les professionnels ont calqué jusqu’à récemment les comportements des premiers hommes soit sur celui des grands singes soit sur celui des peuples actuels de chasseurs cueilleurs. Or, indique Marylène Patou-Mathis pour ces derniers, « Durant plus de dix mille ans, leurs traditions se sont transformées, ce ne sont pas des hommes préhistoriques ! ». Il est donc impossible de calquer les comportements actuels sur ceux du passé. Et, contrairement à une théorie du milieu du 20ème siècle, nous ne sommes pas non plus les descendants de « singes tueurs »… D’ailleurs, les squelettes fossiles humains montrent peu de traces de violences, semblant indiquer au contraire qu’il n’y avait pas de véritables guerres à l’époque, et probablement les différentes communautés avaient-elles des relations basées sur la coopération et les échanges, beaucoup plus nécessaires à leur survie.

L’auteure traite aussi des sociétés très variées qui ont existé plus proches de nous, dans l’histoire. Elle y déconstruit les argumentaires sexistes et précise : « Plus nos connaissances s’enrichissent, plus il s’avère, au contraire, que le patriarcat n’a aucune assise anthropologique. »

Concernant la préhistoire, il existe un foisonnement d’hypothèses possibles dans le fonctionnement des sociétés, dont aucune n’a de chance d’être prouvée. Et le rôle des femmes n’a aucune raison d’avoir été inférieur à celui des hommes dans les progrès de l’humanité.

Marylène Patou-Mathis termine en écrivant : « Le patriarcat doit être remplacé par un autre système, qui reste à construire ensemble. ». Et non pas les un(e)s contres les autres.

Un ouvrage très intéressant, qui remet bien les choses à leur place. L’Histoire n’a rien à voir avec les fantasmes de notre époque ou celle des époques précédentes… Les scientifiques se doivent d’être attentifs afin d’éviter bien des biais tordant une réalité qui restera certainement inconnue à jamais.