de Alexandra ROUX, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, collection « interventions », octobre 2022. Pages : 246. Prix : 13 euros.
Pourquoi et comment la pilule est-elle devenue LE mode de contraception dominant en France ?
Alexandra Roux déroule les différentes méthodes de contrôle des naissances utilisées depuis le Moyen Âge et même l’Antiquité, et nous explique qu’aucune n’est efficace à 100 %. Elle nous montre aussi comment en France, les médecins, normalement chargés de soigner des malades, en sont venus au XXe siècle à traiter des personnes en bonne santé ! Médecins, essentiellement informés sur le sujet par… les laboratoires pharmaceutiques, et qui ont ainsi rapidement considéré que la pilule était le moyen le plus fiable et sûr de contraception. Or le contrôle de la fécondité est un secteur fort lucratif. Puissance des laboratoires, pouvoir des médecins, les femmes n’ont pas eu vraiment la parole en la matière. Pourtant très rapidement les effets secondaires ont été connus (maux de tête, nausées, prise de poids, trouble de l’humeur, dans la durée risque de thrombose,…) et ont amené de la contestation en Angleterre et en Allemagne par exemple. Les laboratoire conçoivent alors de nouvelles générations de pilules, moins dosées (donc avec des effets secondaires moindres), et qui permettent de lutter contre l’acné et la pilosité du visage, élargissant ainsi leur cible aux adolescentes.
En France dans les années 1950 – 1960, les réticences venaient des politiques (encouragement des naissances en métropole, mais l’inverse à La Réunion et dans les Antilles !) et des religieux (la contraception encouragerait « la débauche sexuelle », et « l’infidélité conjugale »! Et beaucoup de médecins étaient issus de la bourgeoisie catholique).
Bien entendu, l’auteure analyse également le fait que la recherche médicale s’est focalisée sur les femmes (développement plus récent de la gynécologie au détriment de l’andrologie), ainsi que sur le racisme des premiers temps (tests des produits sur les populations latino-américaines, ou en France, la volonté de réduire l’expansion des populations autochtones des territoires et départements d’Outre-mer ) et le mépris social (implants proposés, quand ce n’est pas imposés par certain(e)s prescripteur(e)s, aux femmes en précarité sociale ou économique, ou encore aux immigrées ne parlant pas bien le français).
Bien entendu le féminisme tient une bonne place dans l’ouvrage, avec l’avis des féministes des années 1960-1970 qui voyaient l’arrivée de la pilule comme une véritable libération, et celui de certaines féministes actuelles qui considèrent que la libération a surtout été celle des hommes, un triste retour en arrière, mais dans « l’air du temps » pour les premières.
La conclusion pourrait-être que chacun/e a, au final, aujourd’hui un large choix, et que la meilleure contraception est celle dans laquelle iels se sentent bien.
Un ouvrage sérieux, largement documenté (et beaucoup plus complet que ce que ce petit résumé peut décrire), qui défait en effet ce qui pouvait sembler une évidence. La pilule n’est qu’un moyen de contraception parmi d’autres, avec ses qualités et ses défauts. Une vraie information diversifiée et non influencée par des intérêts économiques devrait être dispensée à toute personne (iel) dès l’adolescence.