« réflexions sur la « cancel culture » », suivi de 3 essais (révisés) datant de 2021, de Pierre Vesperini, Éditions Fayard, mai 2022. Pages : 248. Prix : 18 euros.
Statues déboulonnées, noms de monuments ou d’œuvres effacés ou transformés, plaintes déposées contre des cours ou des conférences qui « heurtent » le public… en Europe et aux États-Unis l’heure est à l’effacement des traces du passé. Ignorer ou refaire le passé est très à la mode, mais c’est aussi très dangereux. La « cancel culture » exige un idéal de perfection qui n’existe pas et n’a jamais existé. Les « héros » sans tache ne sont présents que dans l’imagination de certain(e)s. Effacer ce qui, dans le passé, nous dérange, ne date pas d’aujourd’hui, et l’auteur nous démontre que c’est un mouvement « venu du fond des siècles». Il suffit de constater le nombre de langues et de cultures qui ont été annihilées au détriment de peuples conquis depuis l’Antiquité.
Aujourd’hui, cette « cancel culture » est représentée par une minorité, souvent jeune, souvent intolérante et parfois violente, exigeant une perfection totalement utopique et à l’image d’une culture actuelle fantasmée. Ridicule, infantilisation, dictature morale y sont hélas bien présents, et souvent les plus virulents oublient qu’ils utilisent des téléphones mobiles avec des minéraux rares récoltés par des enfants en Afrique, des habits fabriqués en Asie dans des conditions pour le moins abusives….
Pierre Vesperini nous offre de nombreux exemples historiques, mais aussi tout à fait actuels, et nous montre le danger de la disparition de l’histoire dans l’enseignement d’aujourd’hui. « Quoi de plus malléable que des individus sans mémoire ? » interroge-t-il. Il insiste sur le fait qu’il ne faut pas confondre « but » et « pratique », « étude » et « appropriation ». Il précise que « Savoir est une chose, comprendre en est une autre », et que l’on peut être « savant » et « bête »… Et d’ailleurs lire n’est pas suffisant pour être un « sage », nous explique-t-il, il faut savoir choisir ses lectures, et « savoir bien lire ».
Bien entendu le rôle des religions, des états, de la morale, de la peur, sont largement abordés.
Voici un ouvrage très intéressant. Bien entendu certaines choses peuvent se discuter ! Mais c’est tout l’intérêt de l’ouvrage : s’interroger sur nos modes de fonctionnement contemporains. L’auteur précise aussi qu’il « comprend » les positions des acteurs de la « cancel culture » et qu’il ne considère pas ses critiques comme des « vérités oraculaires ».