Margaux Cassan, Éditions Grasset, avril 2023. Pages : 213. Prix : 19 euros.

Baignée dans le naturisme depuis sa tendre enfance, l’auteure, philosophe et écrivaine, nous entraîne dans ce monde qui est plutôt d’ailleurs une philosophie de vie, et elle en profite pour effectuer le constat de ses évolutions au cours du temps, sans concession.

Dès ses 2 ans donc, ses parents l’envoient passer ses vacances avec sa tante Jeannette et son oncle Anselme en camp naturiste provençal. Lui est enseignant. Elle dans l’administration. Margaux Cassan écrit « Mais ce qui était un geste spontané, presque un réflexe, s’est transformé en revendication plus tard, quand ma nudité est devenue aux yeux des autres une transgression, une source de fantasme voire un délit, comme l’est la publication d’un pubis sur les réseaux sociaux. » Car ce qui était devenu naturel dans les années 1960/1970, ne serait-ce que pour une poitrine, est devenu de « l’exhibitionnisme » aujourd’hui, au point même que montrer son nombril à l’école est considéré comme indécent.

Avec réalisme, et sans indulgence, elle nous explique la transformation du naturisme en France au 20ème siècle, prôné d’abord aussi bien par des gens comme le docteur Paul Carton, médecin de la droite réactionnaire, que par des anarchistes, par la jeunesse pacifiste, par des militants de la gauche…

L’auteure fait la différence entre naturisme, philosophie de vie où le corps se montre mais ne se « mate » pas (et où les aspects acceptation du corps, proximité avec la nature et vie saine sont importants), nudisme (le lien avec la vie naturelle est moins présent), libertins et échangistes. Concernant la sexualité, qui existe comme dans la vie « extérieure », elle précise que la « drague » s’effectue le soir car on s’habille… Elle précise « L’échangisme semble plus nuisible au naturisme que ne l’était la camaraderie amoureuse anarchiste (...) ». Reste que chez les naturistes comme chez les « textiles », les fantasmes de certains sont présents. Ainsi elle indique que certains directeurs de structures installent des cabines pour se déshabiller car s'ils considèrent la nudité comme anodine, ils estiment que le fait de se déshabiller peut attiser le désir ! Les naturistes ne sont donc pas vraiment différents des « textiles » et d’ailleurs la soit-disant plus grande liberté n’est pas réellement au rendez-vous, puisque de nombreuses interdictions sont présentes, simplement celles-ci sont différentes. De plus le même sexisme règne puisque l’auteure explique que « Le célibataire est pour les naturistes un suspect en soi : voyeur ou pervers, il éveille de toute façon les soupçons » ! Hélas Margaux Cassan n’est pas loin de penser la même chose semble-t-il, alors que, y compris récents, des faits divers nous montrent bien que femmes et hommes sont autant susceptibles d’être pervers(es) ou/et meurtrier(e)s.

Le naturisme « historique » (hygiéniste, et ayant pour modèle l’antiquité grecque) s’éloigne aujourd’hui entre autre avec la disparition de l’esprit de partage, mais aussi l’emprise nouvelle du commerce… « Les naturistes se trouvent dans une impasse infernale : leur survie dépend des grands groupes, qui, eux seuls, ont les moyens d’entretenir les villages, ruinés par le manque de jeunesse ; l’achat par les grands groupes signe la fin des valeurs premières du mouvement, quand il ne les chasse pas tout bonnement. » écrit-elle en conclusion.

Une conclusion très pessimiste mais probablement aussi très réaliste. Il est possible d’ajouter à son constat final le retour d’un monde très pudibond. Un ouvrage bien utile, à lire cet été ! Les naturistes sont aujourd’hui environ 2 millions et demi en France. C‘est loin d’être négligeable...