de François Puzenat, éditions Pippa, octobre 2022. Pages : 326. Prix : 20 euros.
Ce superbe ouvrage, largement illustré de photos noir et blanc, ne traite pas de pédagogie. Il s’agit plutôt de « tranches de vie » concernant l’auteur, mais surtout les populations autochtones d’Amazonie guyanaise.
François Puzenat a passé 7 ans comme maître d’école au sein du village amérindien de Antekum, dans la zone normalement interdite aux touristes. Au fil des pages nous rencontrons la population locale et pénétrons dans une culture très différente de celle dans laquelle nous baignons en Europe, en pays dits « civilisés » ! Et, petit à petit, nous voyons, hélas, leur monde changer… mais pas pour leur bien, loin de là.
L’auteur cite de nombreuses anecdotes « gaguesques », ou plutôt pitoyables, comme par exemple ces officiel(le)s venu(e)s pour accorder (ou non) la nationalité française à une population non encore recensées… officiel(le)s dérouté(e)s par le fait que certains indiens soient incapables de fournir leur date de naissance, et qu’à la question « où êtes-vous né » ils répondent « dans la forêt »… De fait, avant l’arrivée du dispensaire et de l’école, ils étaient nomades. Il leur est donc impossible de déterminer un lieu précis ! Ou encore ce ministre des Dom-Tom souhaitant voir des « bons sauvages », et qui est venu en hélicoptère. Celui-ci s’est posté en vol stationnaire au dessus de la rivière mettant en fuite les baigneurs et baigneuses tandis que Mr le Ministre les filmait. Puis l’hélicoptère est repartis de suite. Ou encore cet ancien ambassadeur venu réaliser un film documentaire, et qui à peine débarqué à demandé où était l’hôtel afin d’y déposer ses affaires !!! Belle préparation ! (Voir ce que ferait un réalisateur sérieux avec le très bon livre de Daniel Schweizer « Une odyssée amazonienne » que j’ai critiqué ici). Ou cet écologiste venu leur faire la leçon sur la protection de l’environnement !!!… de plus en français, alors que beaucoup de ses auditeurs ne le parlaient pas.
Nous voyons arriver « Mr Rémy » (le RMI) ainsi que les catalogues de vente par correspondance, créant une inégalité entre celleux à qui l’on a donné la nationalité française et celleux à qui on l’a refusée… Conséquence ? Les Wayanas ne pêchaient ou ne tuaient le gibier que strictement pour se nourrir. Aujourd’hui, pêche et chasse sont aussi destinées à la vente à Maripasoula… sous le regard réprobateur des anciens qui n’en peuvent mais.
Autre problème lié au nouveau mode de vie : leur boisson fermentée locale donnait une ivresse joyeuse. L’arrivée de la bière et du rhum guyanais a profondément changé la donne car ces boissons créent une ivresse agressive et violente.
Il faut ajouter que l’instruction, sans débouchés prévus pour la majorité des populations de la forêt, provoque un profond malaise chez les jeunes, et les suicides, inexistants autrefois, sont devenus courants.
Tout n’est donc pas rose avec l’arrivée de la « civilisation » ! Et un certain racisme est clairement présent, même s’il n’a rien à voir heureusement avec celui qui règne au Brésil. Ce livre est vraiment passionnant. A lire, à relire, à partager. Un récit de vies, outil de réflexion, à avoir absolument dans sa bibliothèque.