Traduction et commentaires de « La loi des séries » de Paul Kammerer par Hervé Lavergne et Raymond Clarinard, Éditions Aux Feuillantines, collection « Dans la bibliothèque de… » ici Arthur Koestler, avril 2024. Pages : 347. Prix : 22,90 euros.

« Hasard », « imprévu », répétitions, …, surprennent toujours puisque nous n’en comprenons pas la raison. Cet ouvrage nous ramène au début du 20ème siècle lorsque de nombreuses découvertes et théories commençaient à nous ouvrir au monde surprenant de l’infiniment grand et de l’infiniment petit. Mathématiques et physique ont fait à l’époque de tels progrès brutaux que le monde scientifique a semblé basculer. Il était donc logique de s’interroger sur ce qui semblait pourtant être des banalités, mais totalement incompréhensibles (et possiblement avec des raisons profondes), comme les coïncidences à répétition. Note personnelle : d’ailleurs aujourd’hui (depuis 1991), des Ig Nobel sont décernés humoristiquement aux chercheurs « qui font d’abord rire les gens, puis les font réfléchir », par exemple en physique en 1996, pour Robert Matthews (Université de Aston en Grande Bretagne) pour son étude sur la loi de Murphy, montrant que le pain grillé tend à tomber sur le côté beurré...

A part l’intérêt historique et scientifique évidents, ce qui m’a amusé particulièrement dans « Le grand livre des coïncidences », c’est que l’on retrouve les mêmes émerveillements qu’aujourd’hui : lecteur assidu du « Canard Enchaîné », je parcoure à l’avant-dernière page de ce journal la rubrique « comme son nom l’indique » alors que déjà Kammerer écrivait (ici page 189) « Le nom et la profession sont souvent liés de manière sérielle. Tous les annuaires d’adresses et de téléphones, tous les calendriers officiels ou professionnels en offrent une multitude d’exemples, (…). » La différence entre le « Canard Enchaîné » et Kammener, c’est que ce dernier cherchait une loi cachée générale, une « loi des séries » qui serait universelle, le « hasard » n’existant pas réellement.

Les auteurs/traducteurs ont effectué ici une transcription partielle en français du livre (« La loi des séries ») de Paul Kammerer, paru en 1919, et ils nous font le récit de l’enquête menée par Arthur Koestler en 1971 afin de dédouaner le biologiste autrichien de la réputation de faussaire organisée contre lui par quelques scientifiques antijuifs ayant mené à sa mort tragique (un suicide).

Se retrouve dans cet ouvrage une biographie de la vie professionnelle et privée de Kammerer qui nous plonge dans la Vienne de la fin de l’Empire austro-hongrois. S’appuyant sur 100 « coïncidences », le biologiste tente de démontrer une loi de « sérialité », qui toucherait à tous les domaines, psychologie, philosophie, morphologie, biologie, physique, etc.

Plus largement, il semble étendre ses recherches en biologie à la vie sociale « Si l’on reconnaît que le combat pour l’existence est le père de toute chose, reconnaissons aussi le rôle de la mère de toutes choses, qui marche la main dans la main avec lui : le principe d’entraide mutuelle ». Au moins une de ses intuitions scientifiques (mais il n’avait pas les moyens de la prouver) s’avère aujourd’hui prémonitoire : l’épigénétique.

Voici donc un ouvrage qui s’encre entre science, histoire, et presque roman policier ! Il pourra tenir une bonne place dans votre bibliothèque.