Bertha_von_Suttner_nobel.jpg, mar. 2024

Image: auteur inconnu.

 

de Bertha von Suttner, Éditions Turquoise, collection « le temps des femmes », février 2015 (l’édition originale date de 1889). Pages : 397. Prix : 24 euros.

La pacifiste autrichienne Bertha von Suttner (1843-1914), écrivaine et journaliste, n’a eu de cesse tout au long de sa vie de lutter contre la guerre par ses ouvrages et ses articles d’une part, et par un militantisme très actif par la création d’associations (comme le Bureau International de la Paix par exemple). Elle a été, en 1905, la première femme à recevoir le Prix Nobel de la paix.

Ce roman (la structure de l’ouvrage et les personnages et évènements d’époque peuvent laisser penser à une autobiographie, mais il n’en est rien) est un plaidoyer pour la paix, contre la soif de conquête, le barbarisme et le désir de pouvoir. Il est également l’occasion de faire des propositions en faveur d’une société plus égalitaire, qui ne cède pas à la haine réciproque souvent insufflée à la population des divers peuples par des dirigeants centrés sur eux-même et sur leur communauté.

L’héroïne est une femme (Martha Althaus), fille de militaire et mariée à un militaire. Ce dernier se laissera guider rapidement par elle vers la défense des idées pacifistes. Le récit nous plonge avec réalisme dans les amours et les drames d’une famille et d’une société plongées régulièrement dans l’insécurité et la violence (4 guerres...).

Tout est actuel dans ce roman, et parfois même prémonitoire. « Martha » dit ainsi « Nous ne pourrons nous sentir à l’abri de la guerre que lorsque nous posséderons d’autres moyens de régler les différents internationaux que l’horrible tuerie des champs de bataille », mais aussi « Si par un procédé quelconque, on arrivait à munir les adversaires d’une puissance illimitée de destructions, il deviendrait alors impossible de régler par la force une question de droit. ». Cela ressemble fort à la « dissuasion nucléaire » actuelle (impensable scientifiquement au 19ème siècle !), mais l’actualité de ce 21ème siècle nous montre que les choses sont tout de même moins simples que cela…

Comme aujourd’hui, « Martha » se heurte à des attitudes conservatrices « Il était, il est vrai, décourageant de voir qu’à toutes les portes où l’on frappait au nom de cette œuvre, on n’était reçu qu’avec un sourire de pitié, un haussement d’épaule, ou même un rappel à la raison. On dirait que le monde prend plaisir, non seulement à être trompé, mais à se tromper lui-même. »

S’y retrouvent également les règlements de compte sommaires. Son mari, est accusé à tord d’espionnage « une bande de forcenés l’entoura aux cris de : « A mort le Prussien ! » et, après un jugement sommaire, on le fusilla séance tenante, le 20 janvier 1871 ». (erreur de la traduction française, il est noté que dans la version allemande, la date indiquée est le 1er février 1871).

Marie-Antoinette Marteil (université de Tours) précise que Bertha von Suttner, humaniste, estimait, concernant la suppression des dépenses militaires que : « La perte d’emplois serait compensée par la création d’emplois civils en faveur de la promotion de l’égalité sociale et du développement de l’humanité. »

Ce roman est tristement d’actualité. Pacifiste et féministe, Bertha von Suttner a su s’extraire de son milieu aristocratique, et militer jusqu’à la fin de sa vie en faveur d’une société de paix, d’égalité et de justice.