de Silvana Condemi et François Savatier, Éditions Albin Michel, avril 2024. Pages : 319. Prix : 22,90 euros.
Les métiers d’archéologue et de paléoanthropologue s’apparentent aux métiers de la police scientifique. Il faut déterminer des choses les plus précises possibles avec parfois très peu d’indices. L’arrivée du séquençage ADN a ouvert de nouvelles portes extraordinaires. Le biologiste et anthropologue suédois Svante Pääbo et son équipe ont fait faire à la recherche archéologique un bon fantastique en 1996 avec le séquençage de l’ADN mitochondrial de l’Homme de Néandertal, et en 2010 ils identifient une nouvelle espèce humaine, l’homme de Dénisova.
Les deux auteurs de ce livre (Silvana Condemi est paléoanthropologue au CNRS, François Savatier est journaliste au magazine « Pour la Science ») nous détaillent , à la manière d’un roman policier, l’histoire des quatre migrations africaines de l’espèce Homo, leurs évolutions séparées en fonction de l’environnement (altitude, milieu arboricole ou steppe,…) et des changements climatiques (périodes glacières et interglaciaires). Il montrent qu’il s’agit également d’une histoire de rencontres et de métissages qui aboutissent à ce que les sapiens d’aujourd’hui possèdent de l’ADN de leurs cousins (entre autres), Néandertal pour les européens et Dénisova pour les asiatiques.
Les analyses génétiques nous apprennent donc que néandertaliens et dénisoviens sont plus proches entre-eux (des « frères ») que de Sapiens (des « cousins »). Et les européens actuels possèdent ainsi jusqu’à 2 % du génome néandertalien, et certaines populations d’Asie jusqu’à 3 à 5 % d’ADN dénisovien, alors que les populations d’Afrique en sont dépourvues.
ADN mitochondrial, ADN nucléaire et une méthode d’identification plus récente via le protéome (l’ensemble des protéines) permettent aujourd’hui de reconstituer de manière spectaculaire les grandes lignes des traits physiques d’un individu, la couleur des yeux, de la peau, des cheveux, la forme du nez, le sexe, etc. Les humains préhistorique ont ainsi de moins en moins de choses à nous cacher !
Cet ouvrage détaille principalement, comme son titre l’indique, ces Homo d’Asie, les dénisoviens, découverts plus récemment et qui ont laissé moins de traces (en Asie, l’utilisation souvent majoritaire du bambou pour les outils (à la place du silex) leur donne une conservation inexistante sur les si longues périodes considérées). De plus, comme les dinosaures en leur temps il y a 66 millions d’années, les ancêtres locaux des dénisoviens (des Homo érectus) ont subit une catastrophe due à un astéroïde qui se serait écrasé dans la région de la mer de Chine il y a 803 000 ans… De nombreuses tectites australasiennes datant de cette époque ont été retrouvée dans une très vaste zone.
Reste une grande question encore aujourd’hui sans réponse : pourquoi ce n’est que de l’Afrique que les formes humaines « généralistes » de plus en plus évoluées se sont répandues dans le monde en vagues successives, remplaçant les humains des vagues précédentes ?
Passionnant ! Surtout pour ceux, aujourd’hui, qui s’interrogent sur leurs origines lointaines...